La ligne de rive est une limite.
Le rivage est un espace fluctuant.
Recouvert par l’eau, découvert, recouvert, découvert.
Les cartes le dessinent comme un fil tendu, qui sépare l’eau et la terre.
Mais aucune carte n’est juste quand elle le décrit ainsi.
C’est un espace trouble, épais,
à la fois terrestre et marin, englouti et émergé, visible et invisible.
A la fois l’un et l’autre.
A la fois.
Il est deux choses à la fois. Peut-être même plus.
Donc il ne peut être simple à saisir.
A percevoir.
Il restera toujours indéfini. Informe.
Comme tout ce qui attend
dans un coin de notre inconscient
D’être découvert.
Ce qui attend de remonter à la surface,
Et qui attend d’être formulé.
Entre le dedans et le dehors
L’idée avant qu’elle soit dite
L’image avant d’être dessinée
Ou vue
La mémoire avant d’être un souvenir.
Le monde avant qu’il soit découvert
A encore des milliers de visages.
Les espaces qui n’ont pas franchi encore la barrière des formes,
Sont des territoires infinis.
Et ce qui n’est pas encore dit
n’a aucune limite.
Dans le poème de Tagore que je cite ici,
après D.W.Winnicott,
C’est là que les enfants jouent
Sur le bord de l’eau,
« au bord des mondes infinis »,
dans un lieu flou,
en transition
entre ce qui est recouvert et découvert,
entre ce qui n’est pas encore formulé et le sera plus tard
Ils jouent sur cette frontière un jeu qui n’a pas de règle.
On the seashore of endless worlds children meet.
The infinite sky is motionless overhead
And the restless water is boisterous.
On the seashore of endless worlds
The children meet with shouts and dances.
They build their houses with sand,
And they play with empty shells.
With withered leaves they weave
Their boats and smilingly float them
On the vast deep.
Children have their play on the
Seashore of worlds.
They know not how to swim,
They know not how to cast nets.
Pearl-fishers dive for pearls,
Merchants sail in their ships,
While children gather pebbles
And scatter them again.
They seek not for hidden treasures,
They know not how to cast nets.
The sea surges up with laughter,
And pale gleams the smile of the sea-beach.
Death-dealing waves sing
Meaningless ballads to the children,
Even like a mother while rocking her baby’s cradle.
The sea plays with children,
And pale gleams the smile of the sea-beach.
On the seashore of endless worlds children meet.
Tempest roams in the pathless sky,
Ships are wrecked in the trackless water,
Death is abroad and children play.
On the seashore of endless worlds is the great meeting of children.
Tagore